RSE dans l’agro : l’économie régénérative selon Olga

L'entreprise bretonne de produits laitiers Olga est labellisée Engagé RSE, niveau "confirmé". Crédit photo : Getty Images
L'entreprise bretonne de produits laitiers Olga est labellisée Engagé RSE, niveau "confirmé". Crédit photo : Getty Images

Peut-on consommer à un autre rythme ? En s’investissant dans l’économie régénérative, l’entreprise familiale agroalimentaire Olga – à la tête des marques telles que Sojasun, Vrai, Petit Billy, Terres et Céréales – veut intégrer une nouvelle valorisation du temps dans son modèle d’affaires. Elle s’arme d’une feuille de route ambitieuse jusqu’en 2035, en phase avec son époque et le monde d’après. L’évaluation continue Engagé RSE l’aide à maintenir le cap. Entretien en tandem avec son président-directeur général, Olivier Clanchin, 3e génération aux commandes, et sa responsable RSE, Héloïse Le Bars.

Appliquée à votre modèle d’affaires, qu’est-ce que change l’économie régénérative ?

Olivier Clanchin : L’économie régénérative, comme la RSE, Olga en fait sans le savoir. Dès lors que nous nous sommes engagés dans la bio, que nous travaillons avec des producteurs en biodynamie, que nous laissons aux agriculteurs le temps de piloter la biodiversité dans leur ferme, que nous produisons au rythme des saisons – bref beaucoup de bons sens – nous travaillons en coopération pour laisser aux ressources le temps de se reconstituer.

La société se dirige vers de nouveaux systèmes où on ne parlera plus de pouvoir d’achat, mais de vouloir d’achat, où le consommateur fera des choix éclairés, sans quoi, on va droit dans le mur climatique et vers une frugalité subie. Ça va être difficile… Donc, pour nous, ça ne veut pas dire produire plus, au contraire ! Ce sera plutôt, en termes de stratégie, savoir prendre en compte et valoriser le temps. De manière opérationnelle, cela impliquera de travailler en partenariat avec les agriculteurs qui feront peut-être les premières transformations chez eux, accepter de produire suivant les saisons, demander aux circuits de distribution de jouer le jeu, produire moins si on veut faire du bio régénératif. L’étude prospectiviste AFTERRE 2050 prouve que si l’on permet au consommateur de se reconnecter à cette logique d’une agriculture qu’on laisse respirer, au sein de son écosystème, il va naturellement végétaliser son alimentation. En conséquence, moins de surfaces seront allouées à l’alimentation du bétail. On consommera alors moins d’hectares par habitant que si l’on était resté sur le modèle de l’agriculture intensive et des régimes alimentaires majoritairement carnés.


« La société se dirige vers de nouveaux systèmes où on ne parlera plus de « pouvoir d’achat », mais de « vouloir d’achat », où le consommateur fera des choix éclairés. »

Olivier Clanchin, président-directeur général d’Olga


Comment l’économie régénérative dans laquelle Olga se reconnaît peut-elle faire passer de « c’est à cause de l’agriculture » à « c’est grâce à l’agriculture » ?

Héloïse le Bars : il est vrai qu’avec d’autres industries, l’agriculture et l’agroalimentaire sont identifiés comme responsables du dérèglement climatique. Pourtant, elles ont aussi le potentiel de faire partie de la solution. Elles sont énergivores, consommatrices de ressources mais bien dotées du point de vue des équipements, des process et des pratiques innovantes. Elles peuvent renverser la tendance, devenir productrices d’énergie, émettre moins de carbone, innover dans le traitement et la valorisation des déchets, soutenir la biodiversité et agir pour la qualité et la préservation de l’eau.

Parler d’économie régénérative vous semble-t-il plus pertinent que de parler d’impact ?

Héloïse le Bars : Lorsque l’on parle d’impact aujourd’hui il peut y avoir une connotation de greenwashing car c’est un concept somme toute assez vague. Quand on se décide à appliquer l’économie régénérative, on peut construire des indicateurs plus concrets. Pour moi, il est plus juste et scientifiquement plus concret de parler d’économie régénérative que d’impact. L’économie régénérative engage notre modèle d’affaires et nos pratiques en continu, quand l’impact ne dit pas toute cette mécanique du changement que nous mettons en place.


« L’économie régénérative engage notre modèle d’affaires et nos pratiques en continu, quand l’impact ne dit pas toute cette mécanique du changement que nous mettons en place. »

Héloïse Le Bars, responsable RSE d’Olga


Qu’est-ce que l’évaluation Engagé RSE a révélé ?

Olivier Clanchin : L’évaluation Engagé RSE permet d’une part de voir ce qu’on ne voyait plus et d’autre part de voir différemment, grâce aux questionnements des collaborateurs, des fournisseurs, de nos partenaires etc. Cette rencontre avec les évaluateurs a créé un regard complémentaire qui nous a fait progresser. Il y avait aussi un travail de fond qui a conduit à la reconnaissance des équipes, leur a donné l’énergie et l’envie d’aller plus loin, en ayant les bonnes appréciations sur les points forts et les points d’effort.

Héloïse Le Bars : D’autres optent pour l’auto-déclaration et obtiennent une photo à l’instant T, tandis que nous sommes plus dans l’évaluation et l’amélioration continues. Nous réaxons notre projet d’entreprise à chaque nouvelle évaluation, nous le confrontons à l’évaluateur tiers de confiance, aux collaborateurs, à nos parties prenantes internes et externes. Nous consolidons ainsi notre stratégie RSE et sa transversalité. C’est une démarche structurante, au long terme, pour la durabilité de notre organisation et de son action.
Et j’ajouterai que maintenant que l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a rendu sa copie sur l’harmonisation des critères ESG (critères environnementaux, sociaux, de gouvernance) et que la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est adoptée par les instances de l’UE, nous pourrons enfin comparer les données entre organisations et entre filières… Ce sera à nouveau une démarche structurante, mais cette fois-ci au niveau national et européen !

En parlant d’équipes, comment engagez-vous vos managers dans la voie de la RSE ?

Olivier Clanchin : nous avons posé un cadre avec eux : ils sont mis au défi sur leur performance économique et durable, sur leur capacité à créer et développer des relations constructives dans l’entreprise. On attend d’eux qu’ils fassent grandir les collaborateurs. Avec le déploiement de la CSRD, le souhait demain sera d’étendre cette logique de relation aux parties prenantes externes. Dès que l’on aura des indicateurs plus fins, nous n’écarterons pas un système incitatif de rémunération pour l’ensemble des collaborateurs, sur la part variable.

Envisage-t-on la démarche RSE comme un héritage, lorsqu’on est à la tête d’une entreprise familiale ?

Olivier Clanchin : Oui. Quand j’ai proposé qu’on pose comme horizon notre vision 2035, c’est parce que je souhaitais que l’on propose quelque chose qui serait bien après moi, quand je ne serai plus là. Et je trouve très intéressant de se demander « Qu’est-ce qui fera sens pour les nouvelles générations ? » La RSE a naturellement et pleinement sa place ; le groupe a toujours eu cette attention et ça facilite le contexte de transmission. Les ETI dont l’actionnariat est majoritairement familial – à ce jour le capital est effectivement réparti entre ma mère et moi – portent en elles des caractéristiques très proches des entreprises à mission. Cette mission de maintenir la trajectoire, de garantir les moyens et la capacité à tenir les objectifs RSE sur le long terme est inscrite dans notre ADN, bien au-delà de nos statuts. Chez Olga, la RSE est la poursuite d’un projet de famille, dans une logique très humanisée du capital. Nous l’avons porté à l’occasion de la Convention des entreprises pour le climat et nous continuerons de le porter dans la déclinaison régionale de ce collectif, en Bretagne.

Olga, labellisée Engagé RSE niveau « confirmé » (3 sur 4) en 2022 par AFNOR Certification

  • 340 M€ de CA en 2021
  • Répartition : 50 % animal, 50 % végétal, 50 % distribution française, 50 % autres marchés
  • 25 filières agricoles animées
  • 18 sites de production français
  • 1 350 collaborateurs