Big-bang à la Chambre de métiers et de l’artisanat de Bretagne : fusion de cinq établissements en un, nouvelle ingénierie de formation des apprentis à la lumière de la crise sanitaire… La démarche de certification Qualiopi a permis aux équipes de se retrouver autour d’enjeux communs, de se parler et de réussir le changement.
La Bretagne est une terre d’artisans. Boulangers, restaurateurs, carrossiers, menuisiers-charpentiers, métiers du soin à la personne… Ils sont 83 000 à exercer dans cette région, certains en surrégime aujourd’hui pour cause de reprise économique post-covid. Avec, en conséquence, d’importants besoins de main d’œuvre formée et qualifiée. A la Chambre de métiers et de l’artisanat de Bretagne, on forme 7 600 apprentis par an. Quelque sept campus proposent 138 formations menant à 118 diplômes. Mais aussi de la formation continue, sur 17 sites au total : formations techniques, formations transverses, parcours de créateur d’entreprises.
Avec plus de 800 salariés, dont deux tiers d’enseignants, on aurait pu imaginer que sur ce territoire, la démarche de certification Qualiopi, exigée à partir du 1er janvier 2022 pour continuer à accueillir les apprenants ayant fait financer leur formation par les fonds mutualisés, fasse grincer des dents (NDLR : un décret du 28 décembre 2021 reporte cette échéance au 30 juin 2022, à condition d’avoir signé un contrat avec un organisme certificateur pour mener l’audit d’ici là – MAJ du 29/12/21). Surtout dans des corporations habituées à juger de la qualité d’un savoir non pas à l’aune d’un process, comme le propose Qualiopi, mais à travers le professionnalisme d’un geste, la tenue du produit fini ou le bouche-à-oreille. « Les artisans s’évaluent aussi avec des titres comme ‘meilleur ouvrier de France’. Ajouter à la reconnaissance par le public la reconnaissance par le process n’allait pas forcément de soi », expose Pascal Cadieu, directeur régional du CFA.
Qualiopi : une même façon de parler qualité d’un centre à l’autre
Pourtant, la démarche Qualiopi n’a pas semé la zizanie. Au contraire : « Elle nous a servi de levier pour conduire le changement », résume Olivier Visset, le secrétaire général de la chambre (2e à partir de la gauche sur la photo de une). Mais de quel changement parle-t-on ? D’un changement d’organigramme, d’abord : de cinq chambres, l’organisme est passé à une seule, à la faveur de la régionalisation voulue par la loi Pacte de 2019. Au 1er janvier 2021, les équipes d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan, des Côtes-d’Armor et du Finistère se sont retrouvées avec de nouveaux interlocuteurs, de nouvelles méthodes, de nouvelles offres. Elles ont été obligées de se parler. « La démarche Qualiopi a facilité la mise en relation, et surtout, l’appropriation de nouvelles méthodes et de nouvelles exigences. Là où le Datadock (l’ancien dispositif qui reposait sur une autodéclaration) favorisait l’autonomie, la démarche Qualiopi a fait passer le message comme quoi il fallait une seule et même façon de raisonner qualité d’un centre à l’autre. Et cela, pour être plus efficaces et se différencier d’une seule voix face à la concurrence », expose Olivier Visset.
Au niveau central : un pilote qualité, basé à Quimper. Site par site, un référent pour diffuser les bonnes pratiques. Le tout, avec l’aide d’un consultant extérieur et à grands renforts de communication interne, comme avec ce « Qualiopi Tour » prévu sur chaque site après la remise officielle de la certification, survenue le 10 septembre 2021 (photo ci-dessus). « La démarche, initiée en 2019 avec des groupes de travail dans chacune des chambres de niveau départemental, ne s’arrête pas avec l’affichage du certificat dans un joli cadre à l’entrée des bureaux. On prolonge l’effort, on explique pourquoi systématiser les enquêtes de satisfaction et comment les exploiter », détaille Olivier Guillin, le directeur de la communication, de l’observation prospective et du marketing. Objectif amélioration continue : dans les campus, des audits internes sont menés tous les mois.
Du savoir-faire au faire savoir
Avec déjà des enseignements : des 32 indicateurs, c’est le 19e qui crée le plus de crispations. Normal : c’est l’indicateur relatif aux ressources pédagogiques, qui invite l’organisme à vérifier si ces ressources sont disponibles, accessibles et actualisées, et de quelle manière les apprenants peuvent se les approprier. « Il touche à l’intimité pédagogique, à la propriété du savoir, une notion fortement ancrée dans le monde de l’enseignement, pour qui l’idée de ‘je montre ce que je fais’ ne coule pas de source », explique Pascal Cadieu. Avec cet exemple parlant : face à des apprentis pâtissiers, le formateur n’a aucune réticence à lister les sites web qui donnent la recette du gâteau du jour ; il en a davantage à mettre à disposition une vidéo de lui en train de la réaliser.
Heureusement, la crise covid et le confinement sont passés par là : il a fallu mettre à disposition des supports de formation pour le distanciel. Avant même l’audit de certification, la notion de propriété intellectuelle, de possession du savoir, était malmenée. Un électrochoc qui, ensuite, a facilité le déploiement des exigences de Qualiopi en la matière. Les impératifs de continuité pédagogique nés du covid auront donc eu un effet incitateur et accélérateur. En définitive, entre crise sanitaire et réorganisation territoriale, la démarche de certification qualité a bien aidé à conduire le changement.