Se faire certifier, c’est bien. Mais faire l’exercice sur plusieurs référentiels à la fois, quand on gère plusieurs sites, parfois sur plusieurs pays… Voilà qui peut vite tourner au casse-tête ! Pas de panique, voici nos conseils, témoignages à l’appui.
Boîte de Pandore ou travaux d’Hercule ? Quand, au sein d’une même entreprise, différents référentiels de certification croisent différents sites de production, différents pays d’implantation et différents métiers, il y a de quoi perdre son latin. Qualité, sécurité, environnement, référentiels sectoriels… À force de combiner les sujets à certifier et d’ajouter des lettres à sa fonction, le responsable QHSE – autrefois QSE et avant cela simple qualiticien – peut vite se noyer !
Pourtant, il y a un vrai intérêt à démultiplier l’exercice d’une thématique à l’autre, et à viser des périmètres de certification qui ne se limitent pas à une unité de lieu ou à une activité précise. « Vous faites une économie de moyens, à la fois humains et financiers, en mutualisant les audits grâce à un échantillonnage chaque année », approuve Pierrick Bouchard, responsable commercial Grand comptes chez AFNOR Certification (lire encadré ci-dessous).
Certifications multi-sites : tisser un réseau de correspondants
Désireuses d’inspirer confiance tous azimuts, de nombreuses entreprises se sont lancées avec méthode… et succès ! C’est le cas d’Ugitech, une entreprise du groupe Schmolz und Bickenbach spécialisée dans la fabrication de produits longs en acier inoxydable et alliage. On retrouve ses fils et barres entre autres dans l’automobile, l’aéronautique, le médical, la construction ou le nucléaire. Les six sites de production implantés en France disposent de certifications variées sur des périmètres différents : ISO 9001 et ISO 14001, EN 9100, EN 9120, ISO 13485, IATF 16949 et ISO 50001. Une équipe restreinte suffit pourtant à administrer toute la politique qualité. Comment ? Grâce à un système unifié.
« Qui peut le plus, peut le moins, résume Olivier Martel, responsable opérationnel QMS (Quality Management System). Nous avons commencé par déployer, sur chacun de nos sites et pour chacune de nos directions, un réseau de 28 correspondants QMS. Chacun prend en charge un aspect précis : achats, production, système informatique, etc. Au siège, le service QMS central analyse les référentiels, les interprète et répartit leurs exigences par domaine de compétences : nous formons chaque correspondant aux exigences à respecter pour son secteur. »
Certifications multiples : un nivellement par le haut
Concrètement, les correspondants s’occupent uniquement des exigences portant sur leur propre périmètre. Mais avec un nivellement par le haut : d’une thématique à l’autre, il leur est demandé d’appliquer les dispositions les plus restrictives. La norme automobile est, par exemple, bien plus exigeante que les autres en matière de lutte contre les contrefaçons. Ce sont donc les règles de l’auto qui s’appliquent, par défaut, à toute la chaîne d’achat et de production du groupe. « Et nos clients des secteurs aéronautique, nucléaire et médical sont ravis de voir que nous allons au-delà des exigences de leur secteur ! », se félicite Olivier Martel. D’accord, mais que faire quand des aspects divergent, voire se contredisent, d’une norme à l’autre ? « Nous répercutons alors ces exigences spécifiques au cas par cas dans la chaîne de production : à l’échelle du bon de fabrication par exemple, pour garder aussi longtemps que possible une trame commune », répond Olivier Martel.
Une fois mise en place, cette organisation offre un véritable gain de temps et d’argent. Elle a l’avantage de tout synchroniser. À la place d’une multitude d’audits, dont les socles se recoupent souvent, un seul est organisé. Mais pas n’importe lequel : pendant près de trois semaines, six auditeurs analysent tous les processus de l’entreprise, soit l’équivalent de 54 jours d’audit d’un seul coup. Ce système unique facilite aussi l’appropriation de nouveaux référentiels et de nouvelles normes. « Si nous envisagions de nous faire certifier sur le référentiel ISO 19443 (qualité appliquée à la supply chain nucléaire) ou ISO 45001 (santé et sécurité au travail), il nous suffirait de l’étudier et le comparer à ce que nous effectuons déjà. Toutes les exigences supplémentaires manquantes seraient ensuite traitées à l’aide de chacun de nos correspondants QMS et des membres des services impliqués », explique Olivier Martel.
Certification multi-pays : synchroniser les années zéro
Du côté d’Eurenco, la démarche de synchronisation touche à sa fin. Spécialisée dans les poudres et explosifs, cette entreprise française de chimie qui fournit notamment des acteurs de la défense et des additifs pour moteurs diesel dispose de deux sites en France, un en Belgique et un en Suède. « Chaque site travaillait avec un organisme de certification différent, si bien que les années zéro de leur référentiel ISO 9001 ne coïncidaient jamais », se souvient Jacky Jault, à son arrivée à la direction de la qualité en 2014.
Pour mettre de l’ordre, le responsable décide d’abord de lancer un appel d’offres pour choisir un seul organisme pour tous les sites géographiques et tous les référentiels. Un marché décroché par AFNOR Certification en 2015. En parallèle, une grande campagne de sensibilisation à destination des collaborateurs vise à rappeler l’orientation client qui doit guider chacune des actions de l’entreprise, dans le cadre de l’ISO 9001 et de la refonte des processus. Embarquer l’ensemble des équipes du groupe dans la démarche faisait partie des priorités.
« Au fur et à mesure des échéances de renouvellement, AFNOR Certification a repris les certificats ISO 9001 applicables à chaque site, organisant, le cas échéant, des audits ‘de transit’ pour prolonger leur validité jusqu’à ce que tout soit aligné en 2019 », relate Jérôme Aragain, pilote du référentiel QHSE commun, du programme d’audits interne et de la démarche de certification. « Ce grand chambardement a aussi été l’occasion de basculer vers la version 2015 du référentiel (la seule reconnue désormais, éteignant les certificats basés sur les versions antérieures) et d’étendre la certification ISO 14001 à tous les sites », poursuit-il. Prochaine étape : prendre en compte l’ISO 45001, déjà intégrée dans la feuille de route triennale.
Tout est donc affaire d’organisation et de méthode. Vous n’en êtes pas là ? Votre organisme certificateur saura se montrer souple et fera tout pour vous trouver le mouton à cinq pattes : l’auditeur bilingue, voire trilingue, compétent sur plusieurs référentiels et plusieurs régions. Mais de votre côté, il y aura toujours un prérequis : le soutien indéfectible de la direction générale.
Trois questions à Pierrick Bouchard, responsable commercial Grand comptes chez AFNOR Certification
« Les entreprises ont tout à y gagner »
Pourquoi se lancer dans une démarche de multi-certification ?
Les entreprises y voient de nombreux avantages. D’abord un gain de moyens, à la fois humains et financiers, avec des audits mutualisés grâce à un échantillonnage chaque année. Ensuite un gain d’agilité : il est plus facile d’intégrer un nouveau site et la cession d’un autre ne déstabilise pas l’ensemble de l’édifice. Enfin, un reporting centralisé facilite la gestion et le déploiement harmonieux des axes stratégiques.
Qui est concerné ?
Potentiellement toutes les entreprises disposant de plusieurs implantations, bureaux ou unités de production, ou certifiées sur plusieurs référentiels. Je pense bien sûr à l’industrie et aux ETI. Les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique ont été les premiers à se lancer. Mais le secteur tertiaire a également tout à y gagner : qu’il s’agisse de banques ou de concessions automobiles, d’une ville à l’autre, les mêmes standards doivent se retrouver. Sans oublier les grands groupes. Nous avons notamment accompagné Alstom Transport : en quatre ans, le groupe et ses cent implantations ont basculé d’une certification site par site à une certification globale.
Quels sont vos conseils pour réussir ?
Il s’agit d’un projet d’entreprise très fort qui doit être porté par une direction convaincue, mais aussi largement partagé avec les équipes. Sans adhésion, pas de succès possible. Il faut éviter les ruptures franches mais opter pour un schéma transitoire, tout en se fixant un cap, une année-cible pour se lancer !
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