A Paris, le club de rugby du Stade Français a décroché le label Engagé RSE d’AFNOR Certification. Une première dans ce milieu. Thomas Lombard, directeur général du club, détaille la démarche, les motivations et les réalisations.
Qu’entendez-vous par : « Manager, c’est accepter de se faire dépasser » ?
Thomas Lombard – J’ai été rugbyman professionnel durant huit années aux niveaux national et international. Tous les jours, j’étais avec des joueurs meilleurs que moi ou d’autres qui voulaient prendre ma place. C’est cela qui nous a fait gagner : ne jamais avoir peur d’être dépassés. C’est ce qui nous a toujours incités à repousser nos limites. Aujourd’hui, j’ai gardé cet état d’esprit en tant que directeur général du Stade Français, pour construire mon équipe et l’ambition de notre club.
A quel moment faire de la RSE est-elle devenue une évidence ?
Plusieurs facteurs nous ont poussés vers la RSE :
- L’histoire de notre club, qui s’est toujours différencié dans le monde du rugby en innovant, comme avec le sport-spectacle, les maillots roses, les calendriers des joueurs. Nous voulions poursuivre cette démarche. Nous voulions aller vers un projet qui ne reposerait pas seulement sur ses victoires et sur la vente de places ;
- Un engagement de toujours, pour des causes sociétales ;
- L’accompagnement de nos jeunes, qui ont besoin d’actions structurantes et inspirantes ;
- Les entreprises partenaires du club, qui nous ont incités à explorer ce territoire.
Comment avez-vous vécu l’évaluation d’AFNOR Certification ?
En faisant appel à AFNOR Certification, démarche recommandée par nos partenaires, nous n’imaginions pas à quel point cela nous demanderait de nous remettre en question. L’évaluation nous a permis de réaliser que, parfois, que nous nous surévaluions sur certains points ou nous sous-évaluions sur d’autres. Cela a été extrêmement enrichissant et a permis à nos salariés et parties prenantes externes de s’exprimer.
Vous êtes le premier club de rugby titulaire d’un label de RSE. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Nous détenons le label Engagé RSE au niveau 2. Nos salariés sont heureux d’être utiles et de pouvoir laisser une trace. Certains ont changé les mentalités des joueurs et la nôtre en nous rappelant des gestes évidents, comme éteindre les lumières en partant malgré le minuteur, apporter sa gourde plutôt que d’utiliser des gobelets. Ces gestes « colibri » sont devenus des habitudes, ou doivent le devenir. Ils permettent d’entreprendre des actions plus grandes, en phase avec nos enjeux. Enfin, cela démontre à nos partenaires que nous sommes aussi engagés qu’eux.
Quels sont vos enjeux principaux ?
Faire comprendre à nos 140 joueurs professionnels que la vie qu’ils mènent (nourris, logés, bien payés) n’est pas la vie de monsieur ou madame tout-le-monde. Pour cela, nous les faisons participer à des ateliers véhiculant deux grandes valeurs du rugby que sont l’humilité et la solidarité. Nous voulons permettre à nos joueurs d’être les plus équilibrés possibles. Notre club n’est pas seulement un projet sportif, mais un projet de vie. Nous sommes aussi confrontés à l’enjeu environnemental. Cela nous motive à rendre notre stade le plus écologique possible, à sensibiliser le grand public en diffusant, les soirs de match, des messages sociétaux sur grand écran ou en collaborant avec les associations. Le sport-santé est aussi une thématique forte de notre politique RSE, orientée tant vers nos salariés que vers nos joueurs et nos supporters. Enfin, nous nous engageons dans des actions territoriales, comme, dernièrement, le soutien aux étudiants avec la mairie du 16e arrondissement de Paris.
La crise de la covid-19 vous prive de vos supporters et d’un budget important. La RSE n’en fera-t-elle pas les frais ?
Effectivement, malgré les aides de l’État, nous accuserons un déficit de 8 millions d’euros sur les 40 que représente notre budget global en 2021. La RSE est toutefois un budget structurant pour nous. Il est utile d’avoir un fil auquel nous raccrocher, avoir une direction, pour dire à mes salariés et joueurs : « Vous êtes les pionniers qui allez permettre la transformation du club ; vous allez laisser une trace dans son histoire. Vous travaillez sur un projet durable, sur des causes essentielles. Toutes ces améliorations, c’est grâce à vous !» C’est très porteur… Et nous ne faisons que commencer !