Depuis 1999, le Département de la Gironde s’est engagé dans une démarche de développement durable. Le lancement d’un Agenda 21 local, en juin 2004, en est la traduction concrète, sur un mode volontaire et participatif. Où en est-il dix-sept ans après ? Réponses avec Julie Chabaud, responsable de la mission Agenda 21 au conseil départemental.
Quelles étaient vos volontés ?
Julie Chabaud – Chaque collectivité de Gironde menait des actions qui avaient peu d’effets sur notre territoire. Il fallait taper plus fort. Et cela, au niveau des entreprises comme au niveau des collectivités, sur des thématiques comme la biodiversité en ville, l’aménagement durable, les achats publics responsables ou la restauration collective.
Sur quel référentiel vous êtes-vous appuyés et de quels moyens financiers disposiez-vous ?
Nous étions engagés dans une plateforme RSO (responsabilité sociétale des organisations). Cela nous a permis de rencontrer à la fois des acteurs publics et privés, dont AFNOR, et des collectivités locales qui devaient s’outiller pour produire un rapport de développement durable. Nous nous sommes appuyés sur la norme volontaire ISO 26000. Nous sommes fiers d’avoir figuré parmi les premières collectivités à tester une évaluation AFAQ 26000, le signe de reconnaissance basé sur cette norme (appelé aujourd’hui Engagé RSE, ndlr).
Question budget, nous disposons de 700 000 euros pour financer des panels, des enquêtes et faire participer nos concitoyens. Puis nous nous sommes dotés de 300 000 euros destinés à payer des prestataires pour nous accompagner, réaliser des évaluations, nous ouvrir des champs nouveaux pour mieux penser notre territoire.
Quel a été le premier acte ?
La concertation citoyenne et partenariale pour définir un plan d’actions, en réseau avec 70 collectivités de Gironde engagées dans un Agenda 21 local. Le second acte a été de décliner le référentiel de développement durable dans toutes nos actions et dans chacune des collectivités impliquées.
La collaboration était donc au centre de votre action ?
Oui, nous avons lancé des communautés apprenantes, conçu un film d’animation illustrant ce que serait une Gironde responsable en 2033. Nous avons lancé avec la Fabrique Spinoza une grande enquête pour comprendre ce qui pouvait faire le bien-être de nos concitoyens. Nous avons travaillé avec un réseau de pairs pour construire un troisième Agenda 21. Et dernièrement, nous avons lancé un projet appelé « Resonance », coanimé par AFNOR, la Région Nouvelle-Aquitaine et la Gironde.
Quels thématiques et objectifs avez-vous privilégiés ?
Nous avons retenu trois défis prioritaires : la mobilité, la transition énergétique et l’alimentation industrielle et territoriale. Sur ces trois points, nous ne faisons pas de demi-mesures. Par exemple, nous souhaitons que la population mange bio et local.
Vos élus ont-ils été réticents à de telles pratiques ?
Ils ont poussé à faire de vrais choix et, au renouvellement de l’exécutif, cela a permis aux nouvelles équipes d’être tout de suite dans le bain de la RSE.
Quelles sont les cinq actions principales qui transforment votre département ?
1/ La commande publique. 10 % du PIB vient de la commande publique réalisée par 70 % des collectivités. Nous avons donc mené des chantiers avec les entreprises de toutes tailles pour qu’elles puissent accéder à ces marchés en remplissant les critères RSE.
2/ Les espaces naturels sensibles. Nous avons mené des actions pour sensibiliser les propriétaires à la qualité de l’air, à la santé environnementale. Lorsque nous avons dit stop aux produits d’entretien qui ne soient pas estampillés verts, il a fallu former le personnel de ménage.
3/ La santé environnementale et la voirie. La France est championne de l’utilisation de pesticides pour protéger les vignes. Nous avons élaboré des campagnes de sensibilisation pour réduire cet usage, offert des bonus à ceux qui mettent en place des pratiques durables, supprimé les subventions aux agriculteurs qui continuent à en utiliser. Nous avons travaillé sur le bien-être des agents de voirie, aux premières loges lorsqu’il fait chaud et que l’asphalte relargue des composés toxiques. Nous avons réuni les professionnel du BTP pour optimiser l’éclairage public, utiliser des coquilles d’huîtres à la place du gravier pour faire des routes, etc.
4/ Les collèges. Les actions concernent aussi bien le bâtiment durable que le gaspillage alimentaire, la gestion des espaces verts ou la sensibilisation des jeunes. L’opération « un collège, un potager » y contribue.
5/ La solidarité et l’insertion. Les impacts négatifs touchent toujours les plus pauvres. Nous en avons aujourd’hui un bel exemple avec la crise de la covid-19. Nous agissons donc en permanence sous le prisme de la résilience territoriale. Par exemple, nous faisons des simulations pour connaître les répercussions d’une canicule extrême sur les personnes âgées ou en situation de handicap.
Quel sera le prochain acte ?
Nous voulons aller encore plus loin, dépasser les conflits d’intérêt, le primat du court terme et les silos. Nous avons suffisamment sensibilisé, accompagné, gratifié pour ne plus avoir peur de dire ce que, définitivement, nous ne ferons plus !