En avril 2019, la pépite française du numérique a obtenu la certification AFAQ ISO 9001. Franck Siegel et Florence Deuchst, respectivement directeur général et responsable qualité de l’entreprise, expliquent en quoi ce sésame va leur ouvrir des portes.
Pourquoi avoir choisi l’ISO 9001 comme première certification ?
Franck Siegel : Parce qu’un signe de qualité qui parle à tout le monde à l’échelle internationale devenait indispensable pour que notre croissance se poursuive, en tant qu’opérateur télécom de l’internet des objets (IoT). Créé en 2009, à Labège, dans les faubourgs de Toulouse, Sigfox compte aujourd’hui 450 salariés. Au cours des deux dernières années, la portée de notre réseau bas-débit a doublé, passant de 30 à 60 pays. Fin 2018, les 6,2 millions d’objets connectés compatibles avec notre technologie échangeaient plus de 13 millions de très courts messages par jour (pas plus de 12 octets et pas plus de 140 fois par jour). Une progression de 300 % par rapport à 2017 !
Nous voulons conforter notre première place mondiale sur ce marché, tout en poursuivant notre transformation vers une entreprise de services. D’ici à 2023, Sigfox étendra son réseau sur toute la planète, notamment en Russie, en Chine et en Inde, dans l’objectif de connecter à cette date un milliard d’objets. Aux antennes terrestres déployées aujourd’hui viendra s’ajouter une couverture satellitaire afin de couvrir l’ensemble de la planète, y compris les zones trop denses ou difficilement accessibles. Pratique, pour des applications inattendues comme la localisation de troupeaux de vaches équipées de colliers connectés dans les campagnes ! Notre premier satellite sera lancé avant fin 2019, en partenariat avec Eutelsat.
Qu’attendiez-vous de la certification ?
Franck Siegel : En dix ans, l’entreprise a évolué ; elle est entrée dans la cour des grands, comme Google, Amazon, ou Apple. Il fallait un signe objectif matérialisant que cette mue s’est opérée dans le souci de la qualité. La certification répond aux demandes de nos investisseurs, qui nous ont soutenus à hauteur de plus de 300 millions d’euros, en plusieurs levées de fonds. Elle prouve aussi que Sigfox a atteint un niveau d’industrialisation lui permettant de répondre aux exigences de grands donneurs d’ordre comme Bosch, Michelin, Airbus ou DHL.
Florence Deuchst : Nous voulions aussi montrer qu’une démarche qualité était compatible avec une culture de l’innovation. La certification n’est pas un carcan, c’est tout le contraire. Bien utilisée, elle favorise l’émergence d’idées nouvelles en répondant aux demandes des utilisateurs. En se classant quatrième plus grande émettrice de brevets en 2018, Sigfox s’affirme comme l’une des sociétés les plus innovantes en France !
Comment la certification a-t-elle été vécue par les salariés ?
Franck Siegel : La certification ISO 9001 vient couronner deux années de planification et de travail acharné. Les équipes se sont regroupées dans ce qu’on peut qualifier de « véritable effort conjoint ».
Florence Deuchst : L’entreprise est composée de personnes au parcours très différent. Certaines viennent de start-ups, d’autres de grands groupes. Nous n’avons pas imposé de démarche par le haut, nous sommes partis de l’opérationnel, du travail que nous réalisons sur le terrain, en s’appuyant sur l’intelligence du collectif : que faisons-nous aujourd’hui ?, que nous demande la norme ?, comment y répondre ? Les personnes qui étaient réfractaires au début se sont rendu compte que leur travail était proche des exigences de l’ISO 9001. Bref, qu’elles faisaient de la qualité sans même le savoir !
En quoi la démarche de certification a-t-elle fait évoluer l’organisation interne de l’entreprise ?
Franck Siegel : Dans une entreprise qui grandit si vite, des silos, des cloisonnements entre services, peuvent apparaître et il faut les casser au plus vite. La certification a permis de structurer les équipes, et de rassembler l’ensemble du personnel autour d’un objectif commun. C’est ainsi que l’approche processus a permis de renforcer une de nos priorités : mettre le client au cœur de nos préoccupations. A mesure que la démarche se mettait en place, chacun a pris conscience qu’il contribuait, quelle que soit sa place dans la chaîne de valeur, à cette satisfaction client.
Florence Deuchst : L’auditeur missionné par AFNOR Certification, Thierry Jagu (lire encadré ci-dessous), a pris le temps de bien appréhender les spécificités de Sigfox : histoire, stratégie, état d’esprit de start-up… Il a compris notre nécessité de lier enjeux stratégiques et business. Son regard nous a confortés dans l’idée de développer l‘approche processus. Il nous a aussi conseillés pour nos futurs audits de suivi. Non seulement la norme n’a pas été un carcan, mais elle nous a apporté des pistes de progrès, de réflexion.
Avez-vous d’autres démarches de certification en cours ?
Franck Siegel : Avec l’ISO 9001, il était important de prouver que notre système qualité était conforme et cohérent. Cette première expérience nous a incités à nous mesurer à la norme ISO 27001 sur le management de la sécurité de l’information, une préoccupation majeure chez nos clients. La certification AFAQ ISO 27001 devrait aboutir en 2022.
Florence Deuchst : Autre thème central de notre démarche : la préservation de l’environnement et la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE). Notre technologie est peu gourmande en énergie, nous voulons le faire savoir. Les objets connectés utilisant notre réseau ne fonctionnent au mieux qu’un pour cent du temps, ce qui permet de ne changer leur batterie que tous les dix ans en moyenne. Nous choisirons sans doute la certification ISO 14001, mais d’autres sont aussi possibles. Nous choisirons le cadre le plus adapté pour structurer nos initiatives environnementales déjà nombreuses.
L’œil de Thierry Jagu, auditeur pour AFNOR Certification
« Pendant cinq ou six ans, Sigfox a fonctionné en mode start-up. En grandissant, la société a dû développer une approche plus structurée. Un directeur des opérations et une responsable qualité ont été embauchés afin de relayer de manière opérationnelle la stratégie au sein de l’entreprise, un élément requis par l’ISO 9001 dans sa version 2015. Cela a conduit à l’organisation régulière de séminaires d’un ou deux jours consacrés à la stratégie avec les n-1 et n-2. Autre innovation chez ce client : le « Project management office », une démarche qui consiste à recourir à des outils de gestion de projet identiques quelle que soit la nature du projet. Cette organisation favorise la prise de décision, la transversalité, le pilotage et l’optimisation des ressources sur l’ensemble de l’entreprise, en fonctionnement matriciel. Mais, en mettant l’accent sur ces outils transversaux, l’entreprise met moins en évidence l’expertise métier du marketing, des études… Une dimension qui devrait être davantage prise en compte dans le prochain audit. »