Soucieux d’économies et d’écologie, le groupe La Poste s’est lancé en 2016 dans la mise en place d’un système de management de l’énergie (SMEn) sur l’ensemble de son parc immobilier. Quatre ans plus tard, près de deux cents sites ont obtenu la certification ISO 50001. Avec la promesse de consommer 10 % de moins d’ici à 2021. Entretien avec Antoine Doussaint, directeur adjoint RSE, énergie et climat du groupe, pour évoquer cette démarche de grande ampleur.
Comment est née la volonté de La Poste de déployer un système de management de l’énergie sur un aussi grand nombre de bâtiments ?
Antoine Doussaint – Jusqu’à récemment, la politique énergétique de la Poste visait avant tout à réduire l’empreinte carbone. Elle portait prioritairement sur les 90 000 véhicules postaux, responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre du groupe. Ce qui nous a conduits, dès 2012, à rendre l’ensemble de nos offres (colis, courrier, etc.) neutres en carbone. Les 10 000 bâtiments de la Poste ne comptent que pour 20 % dans cette empreinte carbone déjà limitée. Pour autant, leur facture énergétique égale celle des transports : 100 millions d‘euros.
Le tournant a eu lieu en 2015, avec la première édition des audits énergétiques obligatoires pour les grandes entreprises, qui doivent être renouvelés tous les quatre ans, en vertu d’une directive européenne de 2012. Ces audits coûteux, réalisés par des consultants externes, apportent peu de données opérationnelles à l’entreprise. Ils sont assez faciles à mener pour le transport, mais plus complexes pour les bâtiments, puisqu’ils requièrent un échantillon de plusieurs dizaines, voire centaines de sites. Cependant, la loi indique qu’on en est exempté lorsqu’on a fait certifier son système de management de l’énergie (SMEn) selon la norme ISO 50001. Notre SMEn a été déployé dans cet objectif.
Quelles actions avez-vous engagées pour décrocher ensuite la certification ISO 50001 ?
Antoine Doussaint – Nous avons d’abord constitué le cadre d’organisation, les instances de gouvernance, précisé la politique énergétique, identifié les branches concernées. Ensuite, Poste Immo, la filiale qui gère l’ensemble du parc immobilier du groupe, a sélectionné 300 implantations représentant 20 % de la consommation énergétique de La Poste. Souvent les plus énergivores, ils sont représentatifs de tous les types de bâtiments du groupe : tertiaires, financiers, industriels, centres de tri du courrier, bureaux de poste…
Chaque site a été équipé d’instruments de mesure par Sobre Energie, une start-up du groupe, afin de réaliser une cartographie des situations de référence et un suivi des consommations pour les usages énergétiques significatifs, immeuble par immeuble. Des référents énergie, nommés à tous les niveaux (national, régional, local), ont été sensibilisés et formés au pilotage des données. Des plans d’actions saisonniers, des indicateurs de performance énergétique (IPE) ont été définis, avec, conformément à la norme ISO 50001, une analyse annuelle de la performance et du management.
“L’ISO 50001, une excellente base pour préparer le décret tertiaire”
Antoine Doussaint, directeur adjoint RSE, énergie et climat du groupe La Poste
Après diagnostic, nous avons identifié trois leviers d’optimisation des consommations énergétiques :
- un programme de grosses réparations et de rénovation énergétique qui comprend par exemple le remplacement des systèmes de chauffage, en privilégiant le chauffage urbain, plus économique.
- une série de petites actions techniques ciblées : pose de programmateurs, réglage de la température de consigne, éclairage à LED, capteurs de présence, etc.
- sur la dimension comportementale, plusieurs programmes ont sensibilisé les usagers aux éco-gestes sur le chauffage, la climatisation et l’éclairage.
Début 2019, devenus plus mûrs sur le sujet, nous avons lancé la démarche de certification en sélectionnant 196 des 300 bâtiments pour lesquels nous avions la conviction que le SMEn était en place. Soit près de 900 000 m² au total.
Comment s’est déroulé l’audit de certification ?
Antoine Doussaint – Fin 2019, l’audit de certification a porté sur toute l’organisation du projet, les outils de mesure, de communication, de sensibilisation, de formation, et sur un échantillon de 14 sites représentant tous les types de bâtiments. Après correction d’une non-conformité majeure, La Poste a obtenu sa certification ISO 50001 le 12 mars 2020 sur ses 196 immeubles. Le dispositif est valable trois ans, avec un audit de maintien tous les ans. Je l’avoue : nous avons été impressionnés par les compétences des auditeurs d’AFNOR Certification et leur sens de l’écoute. Leur exigence nous a parfois bousculés, mais elle nous a aussi fourni de précieuses pistes d’amélioration. Ils nous ont, par exemple, convaincu de faire évoluer notre système de capteurs de consommation électrique vers la technologie aujourd’hui utilisée pour la télérelève par le distributeur d’électricité, une technologie qui n’était pas disponible au départ de notre projet.
La certification facilite-t-elle la prise en compte du « décret tertiaire » ?
Antoine Doussaint – Le groupe La Poste avait anticipé cette mesure en signant une charte sur les bâtiments tertiaires de plus de 2 000 m², dès 2012, en prenant déjà à cette époque des engagements de réduction de consommation. La démarche ISO 50001 comprend un engagement d’amélioration continue de la performance énergétique dans le temps. À ce titre, elle constitue une excellente base pour préparer la feuille de route demandée par le « décret tertiaire » du 23 juillet 2019. Celle-ci impose aux occupants de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² de réduire leur consommation d’énergie jusqu’en 2050, avec une première étape à moins 40 % en 2030 (par rapport à 2010). Aujourd’hui, grâce au SMEn, cet objectif, qui concerne 900 bâtiments, nous paraît plus aisément accessible. D’ores et déjà, une centaine d’immeubles sur les 196 certifiés ISO 50001 rentrent dans les clous du décret.
Comment envisagez-vous l’évolution de votre SMEn ?
Antoine Doussaint – L’objectif est de s’exonérer petit-à-petit des audits énergétiques obligatoires. Pour y parvenir nous devrons, à terme, certifier ISO 50001 quelque 2 000 implantations, représentant 60 % de la consommation énergétique du parc immobilier de la Poste. Pour le moment, les 196 premiers sites certifiés n’en représentent que 15 %. Cent nouveaux bâtiments seront certifiés ISO 50001 en 2021. L’objectif est de réduire de 10 % notre consommation d’énergie en trois ans (2019-2021) avant d’atteindre moins 30 à moins 40 % en 2023, à la 3e édition des audits énergétiques obligatoires. L’aspect réglementaire a été le déclencheur de cette politique, je l’ai dit. Cependant, ce qui nous motive désormais, c’est notre capacité à contrôler notre consommation énergétique, afin de maîtriser au mieux la dépense, dans un marché de l’énergie très instable.